TEXTE :
Ma démarche artistique vient d’une hallucination que j’aurai eue assez tôt et à partir de laquelle des formes blanches, lumineuses et minérales auraient surgi des murs pour prendre la parole et faire taire des sons et des bruits indésirables ou stopper un monologue intérieur que seul, je ne parvenais pas à faire cesser.
Cette scène évoque aujourd’hui un appel à l’autre, un besoin de trouver un allié.
Francis Ponge, dans « La rage de l’expression » et son poème en prose, « Le carnet du bois de pins », emploie une métaphore pour signifier l’importance d’une communion :
« Leur assemblée rectifia, modifia ces êtres qui, seuls, se seraient bellement tordus de désespoir ou d’ennui (ou d’extase), qui auraient supporté tout le poids de leurs gestes, ce qui aurait finalement constitué de très belles statues de héros douloureux. Mais leur assemblée les a délivrés de la malédiction végétale. Ils ont la faculté d’abolir leurs expressions premières, permission d’oublier… ».
D’une assemblée l’autre, il y a ce désir que j’ai par ailleurs de saisir, depuis plus d’une quinzaine d’années, à travers les séances à l’Assemblée nationale retransmises chaque semaine, ce qui relève de l’intime à travers ce que je nomme « la plasticité du langage politique».
C’est donc de la conjugaison de cette révélation et de ma curiosité sur le langage et ses codes de fonctionnement social que va naître une œuvre silencieuse consacrée entièrement à l’échange qui trouve son inspiration dans un lieu où règne l’éloquence.
A partir de carreaux de plâtre, je réalise des sculptures qui prennent la forme de hauts-reliefs, où des lignes gravées en surface rejoignent des masses de plâtre sur différents niveaux.
Le carreau de plâtre est fabriqué en série et de manière industrielle, il s’apparente à la feuille blanche. Je travaille ce matériau minimaliste de manière relativement autonome, chaque élément est unique dans ce qu’il représente mais il a aussi sa place parmi des carreaux assemblés, de sorte qu’un grand mur puisse se constituer.
Les formes en relief sur le carreau sont découpées et sculptées, pour prendre l’aspect de corps recouverts d’étoffes aux plis creusés - le statut du pli correspondant depuis l’Antiquité à la puissance de penser et au pouvoir politique. L’alliage du creux et du plein qui anime chaque vêtement ou drapé participe d’une
« jouissance scopique» si l’on se réfère au psychiatre et photographe Gaëtan Gatian De Clerambault.
Le regardeur se confronte alors à des corps d’une grande consistance, l’œuvre reste ouverte car il y a cette étendue à la lisière des formes sculptées qui se prolonge dans l’espace, sur les parois de la pièce. Cette étendue génère le désir de combler, de manière imaginaire, le rapport entre la surface (les visages et les mains) et les reliefs (les corps).
J’élimine toute distance, les corps se touchent, se superposent en de nombreux endroits, ces contacts provoquent un tumulte, une violence. Pourtant, à travers la composition des figures, on pressent une rencontre harmonieuse, une recherche de beauté, une volonté de trouver un accord entre parole et geste.
L’ensemble laisse supposer, pour le regardeur, qu’une ambiguïté relationnelle s’installe sur les bancs de l’Assemblée. Un rapprochement physique et intellectuel nécessaire, selon moi, afin que la représentation des corps trouvent une densité. Cette densité- comme cette tension, je cherche à l’immobiliser, à la rendre permanente; elle se vérifie lorsqu’il y a échange entre les hommes et les femmes politiques et surtout une articulation possible dans le temps, entre pensée, son et langage.
C’est un instant d’authenticité qui émane du mur et qui laisse transparaître un certain penchant pour un ordre positif, loin des confusions, des distorsions, de l’hyperbole dont le monde actuel se fait l’écho.
Si une voix devait se faire entendre à travers cette œuvre, elle serait comme réconciliée, débarrassée des inquiétudes du jeune artiste que j’étais qui tentait de filtrer les paroles et les bruits des parois d’une pièce afin d’isoler ceux qui gênaient une trop exclusive intériorité, un long et difficile processus artistique mêlé à une recherche de « sublimation pure ».
J’ai ce désir permanent de trouver des formes nouvelles qui se traduisent concrètement dans le matériau par une alternance de formes creuses et pleines. Ces formes ne surgissent pas toujours de manière spontanée mais par un exercice de perception qui intègre le visible et non pas, dans ce cas, l’invisible mais ce qui serait de l’ordre du dissimulé.
Cette scène évoque aujourd’hui un appel à l’autre, un besoin de trouver un allié.
Francis Ponge, dans « La rage de l’expression » et son poème en prose, « Le carnet du bois de pins », emploie une métaphore pour signifier l’importance d’une communion :
« Leur assemblée rectifia, modifia ces êtres qui, seuls, se seraient bellement tordus de désespoir ou d’ennui (ou d’extase), qui auraient supporté tout le poids de leurs gestes, ce qui aurait finalement constitué de très belles statues de héros douloureux. Mais leur assemblée les a délivrés de la malédiction végétale. Ils ont la faculté d’abolir leurs expressions premières, permission d’oublier… ».
D’une assemblée l’autre, il y a ce désir que j’ai par ailleurs de saisir, depuis plus d’une quinzaine d’années, à travers les séances à l’Assemblée nationale retransmises chaque semaine, ce qui relève de l’intime à travers ce que je nomme « la plasticité du langage politique».
C’est donc de la conjugaison de cette révélation et de ma curiosité sur le langage et ses codes de fonctionnement social que va naître une œuvre silencieuse consacrée entièrement à l’échange qui trouve son inspiration dans un lieu où règne l’éloquence.
A partir de carreaux de plâtre, je réalise des sculptures qui prennent la forme de hauts-reliefs, où des lignes gravées en surface rejoignent des masses de plâtre sur différents niveaux.
Le carreau de plâtre est fabriqué en série et de manière industrielle, il s’apparente à la feuille blanche. Je travaille ce matériau minimaliste de manière relativement autonome, chaque élément est unique dans ce qu’il représente mais il a aussi sa place parmi des carreaux assemblés, de sorte qu’un grand mur puisse se constituer.
Les formes en relief sur le carreau sont découpées et sculptées, pour prendre l’aspect de corps recouverts d’étoffes aux plis creusés - le statut du pli correspondant depuis l’Antiquité à la puissance de penser et au pouvoir politique. L’alliage du creux et du plein qui anime chaque vêtement ou drapé participe d’une
« jouissance scopique» si l’on se réfère au psychiatre et photographe Gaëtan Gatian De Clerambault.
Le regardeur se confronte alors à des corps d’une grande consistance, l’œuvre reste ouverte car il y a cette étendue à la lisière des formes sculptées qui se prolonge dans l’espace, sur les parois de la pièce. Cette étendue génère le désir de combler, de manière imaginaire, le rapport entre la surface (les visages et les mains) et les reliefs (les corps).
J’élimine toute distance, les corps se touchent, se superposent en de nombreux endroits, ces contacts provoquent un tumulte, une violence. Pourtant, à travers la composition des figures, on pressent une rencontre harmonieuse, une recherche de beauté, une volonté de trouver un accord entre parole et geste.
L’ensemble laisse supposer, pour le regardeur, qu’une ambiguïté relationnelle s’installe sur les bancs de l’Assemblée. Un rapprochement physique et intellectuel nécessaire, selon moi, afin que la représentation des corps trouvent une densité. Cette densité- comme cette tension, je cherche à l’immobiliser, à la rendre permanente; elle se vérifie lorsqu’il y a échange entre les hommes et les femmes politiques et surtout une articulation possible dans le temps, entre pensée, son et langage.
C’est un instant d’authenticité qui émane du mur et qui laisse transparaître un certain penchant pour un ordre positif, loin des confusions, des distorsions, de l’hyperbole dont le monde actuel se fait l’écho.
Si une voix devait se faire entendre à travers cette œuvre, elle serait comme réconciliée, débarrassée des inquiétudes du jeune artiste que j’étais qui tentait de filtrer les paroles et les bruits des parois d’une pièce afin d’isoler ceux qui gênaient une trop exclusive intériorité, un long et difficile processus artistique mêlé à une recherche de « sublimation pure ».
J’ai ce désir permanent de trouver des formes nouvelles qui se traduisent concrètement dans le matériau par une alternance de formes creuses et pleines. Ces formes ne surgissent pas toujours de manière spontanée mais par un exercice de perception qui intègre le visible et non pas, dans ce cas, l’invisible mais ce qui serait de l’ordre du dissimulé.
ABOUT SCULPTURE
When politicians can be seen and heard through art
"Not to write about people's lives anymore, but only about life -life itself . What lies in between people: space, sond and color."
Jean-Luc Godard
My inspiration comes from a hallucination I had at a young age, during which bright white mineral shapes appeared from the walls and started to speak, silencing the undesirable sounds and noises. An interior monologue I was unable to stop. At present, this scene evokes the desire to reach out to others and the need to find an ally.
For more than ten years, watching the weekly broadcasts of the debates in the French Parliament, I have had the desire to catch the intimate through what I call « the plasticity of political language ». At this point, let me underline that although I want to feel closer to political thinking, my aim is not to get involved. With my work, I want to create better understanding between people. Because in my belief, political language is mainly about the relation with others.
Accordingly, these works emerged from this particular combination of the revelation I had and my interest in political language and social behaviour. Silent and yet entirely devoted to exchange, my sculptures found their inspiration in a place where eloquence reigns.
I create sculptures with raised shapes on the surface or engraved lines joining plaster forms at different levels. The plaster tile that resembles to a blank sheet is mass produced, using industrial techniques. I work this material in an exclusive manner and each piece is unique in what it represents, yet it fits perfectly together with the other tiles so that a large wall can be built.
The raised shapes on the tile are cut out and sculptured. They look like bodies covered by fabric with deep folds - the fold, since Ancient times corresponding to the strength of thought and political power. The combination of hollow and full, that gives life to each piece of clothing or drape and contributes to a “radioscopic pleasure” (reference to psychiatrist and photographer Clerambault).
The observer is confronted with bodies of a strong consistency. The sculpture remains open thanks to the expanse at the borders of the sculpted shapes. These extend into space, onto the walls of the room. This space generates a desire to imagine a way to create a link between the surface (the faces and hands) and the raised forms (the bodies).
All distance has been erased, the bodies touching each other, superimposed in numerous places. The contact is causing some kind of violence. Yet one can feel harmony, a search for beauty, a desire to reach a balance between word and gesture in the composition of the figures.
The observer supposes that a relational ambiguity settles on the benches of Parliament. I believe a physical and intellectual comparison is necessary in order for the bodies to show an appropriate depth. I have sought to immobilize and immortalize both this density and tension, confirmed during the political exchanges and especially when thoughts, sounds and language are linked with each other.
It is a moment of authenticity that is expressed by the sculptures, a distinct inclination towards positive nature, the contrary of confusion and distortion.
If the sculptures had been given a voice, it would be a peaceful one, cleared from the worries that I once had as a young artist. I kept trying to filter the words and noises from within a room in an attempt to isolate those that disturbed my over-exclusive interior. A long and difficult artistic process combined with a need for “sublimation”.
I have a constant desire to discover new shapes that can be justly translated through an association of hollow and full forms. These shapes do not always appear spontaneously, but sometimes through visual practice, a perception exercise that includes the visible and the hidden rather than the invisible.
All works © FRANCK SADOCK 2013.
Please do not reproduce without the expressed written consent of FRANCK SADOCK. Powered by ProSite.
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Thank you!